Critique

Publié le 17 mai, 2025 | par @avscci

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Partir un jour d’Amélie Bonnin

Un film peut parfois en cacher un autre. Dans sa version brève, couronnée de nombreux prix dont le César 2023 du meilleur court métrage de fiction, le personnage principal était un jeune provincial incarné par Bastien Bouillon. Dans Partir un jour cru 2025 dont le titre renvoie à un tube des 2Be3 revu et corrigé par Juliette Armanet, le point de vue est celui du personnage féminin, une Parisienne d’adoption sur le point d’ouvrir un restaurant avec son compagnon qui revient dans sa campagne et retrouve sa famille telle qu’elle l’avait quittée, régnant sur le relais routier tenu par un père despotique et une mère faussement soumise. L’occasion de renouer avec un ancien flirt qui zone avec ses copains de toujours mais ne s’est jamais remis de leur rupture. Un bain de jouvence doux amer sous-tendu par une question abyssale : peut-on être et avoir été ? Amélie Bonnin refuse de trancher. Elle préfère montrer que tout choix implique par principe des renoncements. Quant au regard de la fille prodigue, l’agacement s’y mêle aux regrets, face au vieillissement de ceux qu’on aime et à leur refus viscéral du changement. Comme si le passé et le présent pesaient soudain autant au mitan d’une vie bien remplie. La particularité du film d’Amélie Bonnin est de s’achever par des points de suspension, là où le cinéma exige généralement un dénouement en forme de choix. Il est parfois jubilatoire pour le spectateur de retrouver la maîtrise de son libre-arbitre et d’esquiver le diktat de la fiction. Le film d’ouverture du Festival de Cannes est donc un joli cadeau dont le message apparaît universel.  

Jean-Philippe Guerand

Film français d’Amélie Bonnin (2025), avec Juliette Armanet, Bastien Bouillon, François Rollin, Tewfik Jallab, Dominique Blanc. 1h38.




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