Nino
Nino
Nino apprend qu’il est atteint d’un cancer de la gorge. Dès lors, pendant les
quatre jours qui précèdent le début de son traitement, ce jeune homme
entreprend de se mettre en règle avec tout ce qu’il a remis à plus tard
jusqu’alors. Le premier long métrage de Pauline Loquès assume sa filiation avec le
compte à rebours mis en scène par Agnès Varda dans Cléo de 5 à 7 (1962) où
Corinne Marchand vivait en temps réel l’attente de résultats médicaux en
redoutant le pire. Ce sentiment d’urgence, Nino l’expérimente alors qu’il n’est ni
tout à fait sorti de l’adolescence, ni non plus vraiment adulte. Le film épuise son
postulat de départ avec une rare intelligence et capte des détails infimes qui
revêtent une importance démesurée, quitte à négliger pour cela des enjeux
prioritaires dans un autre contexte. Présent dans chaque scène, Théodore
Pellerin se révèle éblouissant dans un rôle à facettes comme en rêvent tous les
comédiens, face à des partenaires auxquels il impose son tempo malgré lui. Il
faut dire que son sourire est indissociable de l’empathie immédiate qu’on ressent
pour ce jeune homme contraint de se mettre en paix avec lui-même, faute de
savoir de quoi demain sera fait. Qui plus est, Nino ayant perdu ses clés, il est
condamné à errer hors de chez lui, ce qui ne fait qu’ajouter à son trouble. Il vit
donc cette période flottante comme dans un rêve, en transportant avec lui un
petit récipient destiné à recueillir son sperme, c’est-à-dire symboliquement une
promesse de pouvoir se reproduire un jour. C’est sans doute ce qui donne son
charme insidieux à cette errance générationnelle.
Jean-Philippe Guerand
Film français de Pauline Loquès (2025), avec Théodore Pellerin, William Lebghil,
Salomé Dewaels, Jeanne Balibar 1h36.