Critique

Publié le 9 mai, 2025 | par @avscci

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Moi, ma mère et les autres de d’Iair Said

Rarement un héros de cinéma a endossé un tel mal-être. Contraint de rentrer en Argentine pour assister aux obsèques de son oncle, David renoue à cette occasion avec sa famille juive, à commencer par sa mère écrasante qui s’obstine à le traiter comme un gamin, alors qu’il a la trentaine, tout en veillant sur son époux dans le coma. Cet homosexuel mal dans sa peau à la suite d’un chagrin d’amour met son séjour à profit pour se perdre dans des activités accessoires et chercher des hommes en quête d’une étreinte sans lendemain. C’est le réalisateur lui-même qui tient le premier rôle ingrat de cette chronique sous l’influence du Woody Allen des débuts en fils à maman incapable de mûrir dans un irrésistible désamour de soi. Le masochisme qu’exprime Iair Said dans son premier long métrage n’a jamais rien de plaintif. L’acteur-réalisateur soutient pourtant que son personnage affiche les stigmates de plusieurs de ses relations, mais ne lui correspond pas vraiment. Dans la tradition juive, on dirait toutefois que ce drôle de loustic est un schlemiel. Une fatalité qu’il assume dans un environnement scandé par les traditionnelles fêtes religieuses. Devant comme derrière la caméra, Iair Said manifeste un humour irrésistible qui confère à cette étude de mœurs un ton vraiment attachant. Toujours prompt à rire de sa propre détresse, le réalisateur n’hésite pas à s’attarder sur ses caractéristiques corporelles ingrates pour justifier du malaise dont suinte littéralement son personnage perclus de complexes et de névroses, avec sa bedaine, sa minerve et ses lèvres bleues que surmonte un regard incroyablement expressif. Cet homme qui pleure se révèle d’ailleurs incroyablement touchant, tant il s’écarte des stéréotypes et des clichés. Avec à ses côtés trois personnages féminins campés par l’actrice argentine Rita Cortese, la comédienne chilienne Antonia Zegers, et la chanteuse du groupe pop Miranda !, Juliana Gattas. L’alchimie qui les réunit contribue pour une bonne part au charme indicible de cette comédie narquoise et pince-sans-rire.

Jean-Philippe Guerand

Los domingos mueren más personas. Film argentino-italo-espagnol d’Iair Said (2024), avec Iair Said, Rita Cortese, Antonia Zegers… 1h15.




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