Les Tourmentés
Les Tourmentés
Pour qui suit (et apprécie) le travail de Lucas Belvaux, Les Tourmentés fait un
peu figure d’OVNI, le réalisme et l’engagement loachien de certains de ses films
laissant ici la place à un étrange conte fantastique qui met aux prises une
milliardaire dont la seule obsession est de chasser et celui qu’elle s’apprête à
payer une fortune pour qu’il devienne sa proie. Nous nous préparons à assister à
une mise à jour contemporaine de La Chasse du Comte Zaroff… Et de fait, le film
devient autre chose, puisque tout se déroule avant l’hallali. Peu d’action malgré la
promesse initiale, mais une réflexion souvent douloureuse sur la vie, la mort,
l’amitié, l’amour, la fidélité à des idéaux, le désir de vengeance, le besoin de
rédemption, etc. Derrière la caméra d’un cinéaste moyen, le pensum aurait sans
doute été inévitable. Mais Belvaux, qui adapte pour l’occasion l’un de ses romans
(comme quoi cette histoire est incontestablement la sienne) possède un savoir-
faire, et même une grâce peu communs. Le film avance comme un funambule sur
un fil au-dessus du vide. Nous retenons notre souffle tant tout paraît fragile,
aventureux. Et pourtant nous arrivons à bon port, l’épilogue se révélant d’ailleurs
assez surprenant. Précisons que les acteurs sont également pour beaucoup dans
la réussite du film : Niels Schneider apporte une ambiguïté fondamentale à son
personnage, Ramzy Bédia prouve de façon éclatante qu’il est capable de changer
de registre et Linh-Dan-Pham que son mystère possède quelques failles
délicieuses.
Yves Alion
Film franco-belge de Lucas Belvaux (2025), avec Niels Schneider, Ramzy Bedia,
Linh-Dan-Pham, Déborah François. 1h53.