LAST STOP, YUMA COUNTY
Le cinéma reste l’un des derniers moyens d’expression artistique à perpétuer la
mythologie américaine à travers ces bourgades devenues l’épicentre des
westerns, avec leur saloon, leur justice expéditive et la fameuse loi de Lynch.
Last Stop, Yuma County en propose une variante plutôt pittoresque. Les cuves de
la station-service étant vides, les automobilistes patientent dans le diner voisin,
dans l’attente du camion-citerne providentiel qui leur permettra de quitter ce
trou et de poursuivre leur route. Surgissent trois malfrats… De cette variation
autour de la fameuse règle des trois unités, naît un polar narquois et décalé qui
propose une joyeuse fantasia chez les ploucs. La tentation est grande d’invoquer
l’influence des frères Coen ou de Quentin Tarantino, notamment à travers True
Romance de Tony Scott dont il a écrit le scénario. Le principe du portrait de
groupe permet ici au réalisateur de composer une galerie pittoresque. C’est la
règle d’un jeu pervers qui révèle l’étendue de la bêtise humaine quand elle se
trouve concentrée dans un même lieu. À l’instar du représentant en coutellerie
campé par l’acteur-réalisateur Jim Cummings (The Beta Test). Le réalisateur
cite notamment Tuez Charley Varrick ! (1973) de Don Siegel et surtout La Corde
(1948), au point de pousser la coquetterie jusqu’à donner à deux de ses
protagonistes les noms de famille des personnages campés par James Stewart et
Dick Hogan chez Alfred Hitchcock. Prix du public au festival Reims Polar, cet
exercice de style relève de la comédie noire par son nihilisme et des personnages
qui ne pensent pour la plupart qu’à sauver leur peau. L’exercice de style est
suffisamment raffiné pour se révéler jubilatoire.
Jean-Philippe Guerand
The Last Stop in Yuma County Film américain de Francis Galluppi (2023), avec
Jim Cummings, Faizon Love, Jocelin Donahue