Eddington
En compétition à Cannes avec Eddington, Ari Aster semble avoir pris la place des frères
Coen, qui eux n’ont pas été sur la Croisette (ensemble) depuis un bon moment. Car
Eddington fait mine, du moins dans un premier temps, d’avoir transposé au Nouveau
Mexique ce que les créateurs de Fargo avaient montré du Minnesota. Le climat et le
paysage ne sont pas les mêmes, mais l’état d’esprit est vraiment comparable. L’idée
étant de brosser un portrait aussi polémique que possible d’une Amérique grimaçante,
éditant comme une grille de maux croisés qu’il serait impossible de résoudre. Et Aster
de prendre suffisamment de hauteur pour balancer les machos droits dans leurs bottes
style MAGA et les contestataires fébriles, wokistes à fleur de peau, dans le même sac.
Sans oublier les Latinos, la frontière mexicaine est à deux pas, et même quelques
Indiens, auxquels ont été concédés une autonomie de façade… Les amateurs d’humour
noir ne peuvent qu’être aux anges, à l’instar de ceux qui ont peu de complaisance à
l’égard des postures de l’Oncle Sam. Le jeu de massacre est ici l’un des beaux arts.
Jusqu’au moment où le film met le turbo et se transforme en parodie de film d’action, la
charge devenant pilonnage. On peut trouver une vraie cohérence, cette fuite en avant
n’étant au fond que le reflet de ce que proposent les différents personnages. On peut
également décrocher un brin dès lors que le tableau critique explose au profit d’un
grand n’importe quoi où il ne manque plus que l’arrivée de soucoupes volantes. Il ne faut
pas jeter pour autant le bébé avec l’eau du bain : le film est de ceux que la mémoire
conserve précieusement, rejoignant l’excellent (et récent, et paranoïaque) Civil War
dans notre imaginaire brouillé du rêve ( ?) américain.
Yves Alion
Film américain d’Ari Aster (2025), avec Joaquin Phoenix, Emma Stone, Pedro Pascal,
Austin Butler. 2h28.