CONFIDENTE
Dans un centre d’appels d’Ankara, en Turquie, une hôtesse entretient par
téléphone les fantasmes de ses interlocuteurs de façon anonyme et virtuelle. Au
fil de ses conversations tarifées, la jeune femme apprend parfois des
informations plus confidentielles dont la connaissance pourrait devenir un moyen
de pression. Jusqu’au moment où un jeune homme l’appelle au secours d’Istanbul
en proie à un tremblement de terre de grande ampleur, contraignant l’hôtesse à
user de ses relations clandestines pour guider les secours sur les lieux de la
tragédie qui va s’avérer être une catastrophe majeure. Cette multitude de
thèmes habilement entrelacés donne à ce film intimiste une ampleur inattendue.
Déjà remarqué pour Sibel (2018), le couple franco-turc formé par Çağla Zencirci
et Guillaume Giovanetti signe un quatrième film puissant qui tire un parti
magistral de son postulat minimaliste, en s’en remettant pour cela dans une très
large mesure à son interprète principale omniprésente, Saadet Işıl Aksoy, cette
actrice quadragénaire jouant presque exclusivement en réaction à ses
interlocuteurs, ce qui ne fait qu’ajouter à son mérite. Un pari dont l’audace
évoque le fameux fleuron du cinéma américain indépendant Denise au téléphone
(1995) de Hal Salwen par son jusqu’au-boutisme assumé. Au-delà de son tour de
force scénaristique, Confidente esquisse un tableau de mœurs saisissant de
cette Turquie d’il y a tout juste un quart de siècle. Confidente transcende en
cela son postulat initial pour nous proposer un état des lieux saisissant en nous
montrant avec subtilité le revers de la médaille.
Jean-Philippe Guerand
Film turco-franco-luxembourgeois de Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti
(2025), avec Saadet Işıl Aksoy, Erkan Kolçak Köstendil, Muhammet Uzuner. 1h16.
