Left-Handed Girl
Left-Handed Girl
On ne traduit plus les titres des films, mais même si cela était le risque de
confondre le premier long métrage de Shih-Ching Tsou avec le languissant La
Femme gauchère (Peter Handke, 1976) est mince. Ici tout est en nuances, mais
aussi avec un tonus rare, des ruptures de tons qui n’empêchent ni la mélancolie ni
la fantaisie. L’histoire est celle d’une mère célibataire flanquée de ses deux filles
qui débarque à Taipei, la capitale taiwanaise, pour ouvrir un petit restaurant au
cœur d’un marché de nuit. Mais leurs problèmes de fric ne sont pas résolus par
magie, au contraire… Le charme du film réside dans le talent de sa signataire à
faire vivre cette micro-société (le marché de nuit) sans jamais tomber dans les
clichés, avec une générosité communicative qui doit beaucoup à l’aura des trois
personnages principaux. La mère-courage qui jamais ne lâche prise, la fille aînée
qui renonce en serrant les dents à ses ambitions universitaires, et la cadette,
vibrionnante, qui irrigue ce petit monde d’une énergie peu commune. Shih-Ching
Tsou a longtemps travaillé aux Etats-Unis, où elle était la proche collaboratrice
de Sean Baker. Baker qui l’a accompagnée pour son retour dans sa ville natale en
cosignant le scénario du film. Les galères familiales, les relations mère-fille(s)
évoquent naturellement The Florida Project. Mais nous ne pouvons pas ne pas
également penser à Festen dans la dernière partie du film, un repas de famille
sous haute tension, au cours duquel il est notamment reproché à la fillette
d’attirer le mauvais sort parce qu’elle est gauchère et à Little Miss Sunshine,
l’énergie de la petite Nina Ye n’ayant rien à envier à celle d’Abigail Bresling en
son temps…
Yves Alion
Zuǒpiēzǐ nǚhái. Film taiwano-thailandais de Shih-Ching Tsou (2025), avec Janel
Tsai, Nina Ye, Shih-yuan Ma, Brando Huang. 1h48
