La Femme qui en savait trop
La Femme qui en savait trop
Nader Saeivar a rencontré Jafar Panahi à Tabriz en 2016. Alors producteur, il lui a
proposé l’idée d’un film en trois parties qu’ils ont finalement écrit ensemble. Ce fut Trois
visages, prix du scénario à Cannes en 2018. Saeivar vit maintenant à Berlin après avoir
quitté son pays à regret, comme tant d’autres artistes iraniens poussés à l’exil après
avoir longtemps résisté. Ce film d’aujourd’hui, tourné clandestinement à Téhéran, a été
écrit avec Panahi, qui l’a monté. Il fait se croiser deux thématiques : la place des
femmes et les impératifs moraux face à l’oppression. Trois générations : une grand-
mère enseignante à la retraite (Maryam Boubani, à la pointe du combat aujourd’hui à
l’intérieur de l’Iran), sa fille adoptive professeur de danse, et la fille de celle-ci, une
adolescente lucide et déterminée. Les femmes sont évidemment au cœur de l’espérance
de changement dans l’Iran d’aujourd’hui, mais, comme l’ont démontré Panahi ou Rasoulof,
la vie dans une dictature impose à chaque personne la question kantienne : « Agis de telle
sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en loi universelle ». Comment faire
pour rester humain quand les contraintes paraissent insurmontables ? Le courage du
personnage central de ce film est fait de sa capacité à appliquer envers et contre tout
la règle de l’ermite de Königsberg. C’est ce qui le rend captivant.
René Marx
Shaed. Film iranien de Nader Saeivar (2024), avec Maryam Boubani, Nader Naderpour,
Abbas Imani. 1h40.