L’Accident de piano
A force d’aller là où on ne l’attendait pas, Quentin Dupieux avait un temps, avec
Yannick ou Le Deuxième Acte (et peut-être aussi avec Daaaaaali !), donné
l’impression d’avoir rejoint (à sa manière) les rives du méta-cinéma pour nous
aider à réfléchir sur la place de l’art dans nos vies et son usage. L’Accident de
piano lui permet de revenir à ses premières amours, du temps où il prenait plaisir
à agrafer (au sens propre) ses comédiens (Steak) avant d’imaginer que les pneus
pouvaient devenir autonomes et se muer en tueurs (Rubber). Cette fois-ci
l’affreux jojo du cinéma a transformé Adèle Exarchopoulos en influenceuse qui
se mue en monstre de foire (numérique) pour avoir des « like » en se mutilant.
Pour l’occasion il lui a fait une tête de gargouille, avec double menton, appareil
dentaire et cheveux courts. Plus un bras dans le plâtre pour compléter le tableau.
La mode en a sans doute passé, mais il semble que l’on soit dans le pur esprit
Hara Kiri, ce journal « bête et méchant » (ce qu’il revendiquait) qui faisait jadis
assaut de mauvais goût pour mieux singer la laideur du monde. Il n’est ainsi pas
interdit de considérer Dupieux comme le fils naturel du Professeur Choron, dont
les sales blagues ont parfois réconcilié les tenants du second degré et ceux qui
n’avaient la moindre idée de ce que cela signifiait. Cet Accident de piano est à
cet égard exemplaire. Qui réjouira les uns et donnera quelques nausées aux
autres. Et mieux vaut voir le film équipé d’un solide second degré comme d’autres
veillent à ne pas séparer de leur trousse à pharmacie.
Yves Alion
Film français de Quentin Dupieux (2025), avec Adèle Exarchopoulos, Jérôme
Commandeur, Sandrine Kiberlain, Karim Leklou. 1h28.