Différente de Lola Doillon
Un malaise peut en cacher un autre. Au mitan de la trentaine, Katia a depuis toujours du mal à gérer le quotidien de ses relations humaines, que ce soit sur le plan professionnel ou affectif. Une attitude qui la dépasse et dont le diagnostic tardif va la bouleverser et la faire basculer dans une autre dimension par les conséquences qu’elle implique et les réactions pour le moins inattendues qu’elle suscite parmi son entourage. Le titre du quatrième film de Lola Doillon conjugue la multiplicité de ces regards en accolant à cette femme un terme réducteur et sans appel qui reflète autant de méfiance que d’incompréhension, celui d’autiste. La réalisatrice a trouvé l’interprète idéale en la personne de la chanteuse Jehnny Beth, trop souvent réduite jusqu’ici à la portion congrue dans des films plutôt anticonformistes de Catherine Corsini, Jacques Audiard ou Justine Triet. La réalisatrice exploite à merveille son étrangeté naturelle qu’on est tenté de mettre sur le compte de la timidité et du mal-être. Jusqu’au moment où une autre vérité affleure qui remet en cause toutes nos certitudes préalables. Là se situe le point de rupture du film qui dresse le portrait d’une femme qu’on appréhende comme étrange avant de la considérer comme un cas thérapeutique identifié. Lola Doillon tire un parti très juste de cette situation en montrant à quel point cette révélation affecte le regard de ses proches et les contraint à pratiquer un effort sur eux-mêmes qu’ils ne sont pas tous disposés à accomplir, tant il les assigne à l’inconfort et les renvoie à la situation antérieure donc à leurs erreurs d’appréciation.
Jean-Philippe Guerand
Film français de Lola Doillon (2025), avec Jehnny Beth, Thibaut Evrard, Mireille Perrier, Irina Muluile. 1h40.