Sauve qui peut d’Alexe Poukine
On reproche trop volontiers au personnel hospitalier de manquer de tact et de délicatesse pour ne pas apprécier l’immersion dans des centres de simulation médicale que nous propose la cinéaste belge Alexe Poukine dont le film suivant, Kika, figurait parmi la sélection de la Semaine de la critique. Elle y explore avec attention les trésors de conditionnement et d’imagination déployés afin d’établir des liens plus humains entre des professionnels de santé soumis à rude épreuve et des patients en proie à des problèmes spécifiques que ne peut qu’accroître leur inquiétude légitime face à un manque de compassion ou à un déficit d’explications caractérisés. Sauve qui peut montre comment ces personnels chargés de soigner et d’entourer sont parfois pris en charge par des comédiens et des communicants afin d’apprendre à réagir avec les mots justes et des gestes adaptés aux situations les plus critiques. La première séquence du film est éloquente par l’interprétation à laquelle elle peut donner lieu. Elle met en scène une situation de crise et le cas de conscience des soignants confrontés à la perspective de devoir annoncer un sombre diagnostic, tandis qu’à quelques mètres à peine, un patient attend de connaître le verdict médical redouté qui risque de bouleverser sa vie à court ou moyen terme. Sans nous réconcilier tout à fait avec cet univers impitoyable et souvent indéchiffrable qu’est le milieu hospitalier, Sauve qui peut met en avant sa capacité à réfléchir sur lui-même pour se mettre à la bonne distance des malades. Tel est le juste prix que vaut l’apprentissage de la bienveillance.
Jean-Philippe Guerand
Film documentaire belgo-franco-suisse d’Alexe Poukine (2023). 1h38.