Fragments d’un parcours amoureux de Chloé Barreau

Certains projets défient l’imagination et outrepassent les règles élémentaires de la bienséance. Chloé Barreau signe avec son premier long métrage une entreprise pour le moins singulière par son narcissisme assumé et un exhibitionnisme qui peuvent mettre mal à l’aise sinon choquer. Elle tient depuis toujours le journal filmé de ses amours et en livre aujourd’hui des extraits qui créent un malaise indéniable en raison de la personnalité de ses amants et surtout de ses maîtresses. Est-ce pour cette raison que ces Fragments d’un parcours amoureux (dont le titre paraphrase évidemment les Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes) arbore la nationalité italienne ou parce que la réalisatrice et sa compagne actuelle se sont installées dans le pays natal de cette dernière ? Toujours est-il que cet étalage assez impudique de home movies va de pair avec des entretiens délégués par la réalisatrice à des collaborateurs. Exercice de distanciation qui assigne le spectateur à une situation d’autant plus inconfortable que Chloé Barreau a entretenu des liaisons avec des futures vedettes dont elle a parfois constitué l’unique aventure homosexuelle. Se succèdent ainsi devant sa caméra la réalisatrice Rebecca Zlotowski, les comédiennes Anna Mouglalis et Jeanne Rosa, ainsi que la romancière et scénariste Anne Berest. Ce qu’on ignore, en revanche, ce sont les choix pratiqués au montage. On reste toutefois assez loin du pouvoir de déflagration que se sont appropriés depuis les réseaux sociaux. Ne serait-ce que parce qu’à l’origine de ces histoires, il y avait au moins de l’amour.

Jean-Philippe Guerand

Frammenti di un percorso amoroso. Film documentaire italien de Chloé Barreau (2023), avec Rebecca Zlotowski, Anna Mouglalis, Anne Berest. 1h35.