Critique

Publié le 28 février, 2024 | par @avscci

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Walk up de Hong Sangsoo

Dans les films de Hong Sangsoo, ce n’est pas nouveau, on parle beaucoup, et le réalisateur est devenu le spécialiste du small talk, ces conversations anodines qui ont l’apparence de la banalité, mais débouchent parfois au gré du hasard sur des propos plus profonds. Il y a l’un de ces moments dans Walk up. C’est, comme souvent chez le réalisateur, suite à un repas bien arrosé (“On est déjà ivre alors qu’il fait jour” a remarqué l’un des personnages quelques minutes avant). Un cinéaste parle avec une cheffe qu’il vient de rencontrer, et tout à coup, il lui demande si elle a peur, introduisant dans leur échange une sincérité qui leur permet, l’espace d’un instant, de communiquer véritablement. “Pourquoi vous pleurez ?”, lui demandera-t-il à l’issue du dialogue. “Comme ça. C’est juste des larmes” dira-t-elle, refermant la parenthèse enchantée. Et quel besoin y aurait-il d’expliquer l’émotion qui les saisit à ce moment précis ? Le film dans sa globalité est à l’image de cette séquence : toujours sur le point, malgré son apparente banalité formelle, d’offrir un moment de grâce. On se promène donc avec un mélange de curiosité patiente et de concentration attentive dans l’immeuble qui est au centre de ce nouvel opus du cinéaste coréen, et dont les différents appartements, à un certain point du récit, semblent autant de lieux mentaux nous donnant à voir des réalités dont on ne sait si elles sont alternatives, fantasmées, ou de l’ordre du souvenir. Peu importe, au fond. Chaque film de Hong Sang-soo porte en lui son propre dispositif, qui offre une variation autour de la grande affaire de son cinéma, à savoir la vie et ses remous sentimentaux, professionnels et philosophiques. Dans Walk up, c’est cette accumulation des possibles qui dessine peu à peu l’armature de la narration, et permet au réalisateur d’interroger notre rapport à la création, aux relations sentimentales, à notre corps défaillant, à l’impossibilité de la transmission, et même à Dieu. Programme chargé pour un Hong Sang-soo peut-être pas au mieux de sa forme, mais dont les quelques envolées sur l’existence et le cinéma nous feront patienter jusqu’au prochain.

Marie-Pauline Mollaret

Tab. Film coréen de Hong Sangsoo (2022,) avec Hae-hyo Kwon, Hye-Young Lee, Mi-so Park. 1h37 .




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