Critique

Publié le 24 novembre, 2023 | par @avscci

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Un hiver à Yanji d’Anthony Chen

Il y a quelques années, le singapourien Anthony Chen avait remporté la caméra d’or avec Ilo Ilo, un beau film, mais qui portait un parfum assez persistant de sous Edward Yang, de version light du grand YiYi. Cette idée d’un cinéaste talentueux mais qui resterait à l’orée, par timidité ou souci de trop plaire, d’un art plus ambitieux, touchant, ne va pas disparaître avec ce nouveau long métrage. Un hiver à Yanji présente tous les signes clairs d’un cinéma d’auteur chinois très influencé par la nouvelle vague taiwanaise des années 1980. Sur le canevas simple d’un trader clairement dépressif, coincé dans une petite ville de province en plein hiver, et se retrouvant au cœur d’un triangle sentimental, le metteur en scène applique sa patte typiquement douce-amère. Trois personnages se croisent, s’aiment, ne se parlent pas vraiment ou trop, transportent un lourd passé à peine évoqué, le tout sur fond de province chinoise entièrement recouverte de blanc, et débarrassé de toute allusion politique, bien entendu. La tristesse et le drame sont présents en sourdine, la mélancolie est générale mais le film et les personnages refusent tout apitoiement. Tout cela n’est pas antipathique, mais reste parasité par une pudeur, dans l’écriture, qui finit par agacer. Surtout quand elle est doublée, paradoxalement, d’une certaine lourdeur esthétique. La recherche permanente du moment rentré mais émouvant, du plan sobre mais éminemment poétique, finit par devenir voyante et gênante. Chen a donc du talent, mais il va devoir se débarrasser d’une sorte de politesse artistique, qui n’a jamais produit du grand cinéma.

Pierre-Simon Gutman

Ran dong. Film chinois d’Anthony Chen (2023), avec Zhou Dongyu, Liu Haoran, Chuxiao Qu. 1h40.




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