Critique Tout le monde aime Jeanne

Publié le 8 septembre, 2022 | par @avscci

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Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux

Après quelques courts métrages d’animation très repérés (Le repas dominical à Cannes en 2015, Gros chagrin récompensé d’un lion d’or à Venise en 2017), Céline Devaux propose une comédie romantique pétillante et cocasse, dans laquelle s’invitent tour à tour l’humour le plus noir et une sensibilité à fleur de peau. Son personnage, Jeanne, merveilleusement interprété par une Blanche Gardin plus désabusée que jamais, traverse une (très) mauvaise passe. Elle tente de le dissimuler aux autres, mais sa petite voix intérieure, ingénieusement matérialisée par un personnage animé qui lui parle en voix off, ne cesse de le lui rappeler. Elle la harcèle même littéralement, à la fois caustique, cruellement ironique et implacable. On le sait : notre pire ennemi, c’est souvent nous-mêmes… 

A cette jolie idée de scénario, la réalisatrice adjoint des déambulations mélancoliques dans la ville de Lisbonne, un personnage masculin au premier abord horripilant, puis peu à peu désarmant d’émotion, le fantôme pas très tendre lui non plus d’une mère dont il est difficile de faire son deuil, et surtout une écriture précise, fine et délicate, qui trouve toujours le ton juste pour évoquer avec humour et pudeur nos angoisses profondes, nos mal-êtres indicibles et nos plaies béantes. Il est rare de voir au cinéma cet équilibre entre un récit résolument léger, presque lumineux, et une réalité plus complexe et ambivalente, qui vient nier les injonctions “à aller bien” coûte que coûte. Certaines séquences passent ainsi, en une inflexion de voix, du rire aux larmes, de la détresse à l’espoir, captant fugacement cet éternel mystère des émotions humaines. 

Marie-Pauline Mollaret 

Film français de Céline Devaux (2022) avec Blanche Gardin, Laurent Lafitte, Maxence Tual, Nuno Lopez, Marthe Keller. 1h35




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