Critique Rouge de Farid Bentami

Publié le 16 août, 2021 | par @avscci

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Rouge de Farid Bentoumi

Le rouge du titre est aussi celui de ces boues que rejette une usine et qui pollue durablement toute une région, causant la mort de ceux qui s’y étaient frottés de trop près. On pense immédiatement aux boues rouges de Gardanne, qui avaient défrayé la chronique il y a quelques années. Mais le film se situe dans les Alpes, son signataire ayant voulu attirer l’attention sur une question universelle plutôt que d’illustrer un fait divers précis. Le film se range ainsi parmi ceux qui glorifient les lanceurs d’alerte, le modèle du genre restant Erin Brokovitch, de Steven Soderbergh. Julia Roberts ne figure pas au générique de Rouge, mais nous ne perdons pas au change avec Zita Hanrot. D’autant moins que le personnage n’est pas taillé d’une seule pièce (pas plus que ceux qui l’entourent), et que pour reprendre cette formule que l’on n’emploie pas toujours à bon escient : « Chacun a ses raisons ». La jeune femme (Zita Henrot, donc) qui a été embauchée comme infirmière à l’usine et qui gagnerait en tranquillité à fermer les yeux sur les ravages des déchets toxiques, mais aussi son père qui bien que syndicaliste militant a pour premier objectif d’assurer la sécurité de l’emploi (le respect des normes sanitaires conduirait à la fermeture de l’usine), sans oublier le patron, qui doit faire tourner son usine et qui n’a évidemment pas la moindre marge de manœuvre (il a des actionnaires à contenter)…

Parce que Rouge est aussi la couleur de ceux qui avaient l’ambition de changer le monde, et qui se font de plus en plus à l’idée qu’ils ne peuvent pas grand-chose. Le film témoigne de façon subtile de ce glissement politique auquel nous avons assisté ces dernières années, les clivages traditionnels s’étant effacés au profit de nouvelles lignes de partage. Il y a beaucoup du très beau film de Laurent Cantet, Ressources humaines, dans Rouge. Dans les deux cas, le rejeton d’un ouvrier entre dans une usine grâce à l’appui de son père et se retrouve à dénoncer ce qu’il voit, quitte à mettre son père dans un embarras terrible… 

Parce que le film est aussi une histoire de famille, comme l’était d’ailleurs le premier film de Bentoumi (qui lui visitait davantage les rives du feelgood movie), Good Luck Algeria. On sent qu’il y a beaucoup de passion personnelle de la part du réalisateur, qui pose au passage la question de l’identité (ses racines, comme celles des personnages, sont maghrébines, mais il ne les juge pas pour autant comme devant passer devant toute autre considération). Rouge n’est sans doute pas un film révolutionnaire quant à sa forme, mais il n’a pas à rougir de la comparaison avec certains films d’Yves Boisset des années 70. Il appartient à un cinéma dont nous ne saurions vraiment pas nous passer. 

Yves Alion

Film français de Farid Bentoumi (2020), avec Zita Hanrot, Sami Bouajila, Céline Sallette, Olivier Gourmet. 1h28.




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