Critique

Publié le 14 mai, 2024 | par @avscci

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Reines de Yasmine Benkiran

Une femme s’évade de prison pour sauver sa fille d’une mise en tutelle et prend en otage une camionneuse. S’engage alors une course poursuite spectaculaire à travers les confins de l’Atlas. De ce point de départ au fond assez banal, la réalisatrice Yasmine Benkiran tire un drame psychologique plutôt étonnant qui va bien au-delà de son motif d’action pour esquisser trois portraits féminins résolument universels dans leurs aspirations et leur tonalité. Une audace d’autant plus intéressante que le mouvement #MeToo se heurte dans le Maghreb au poids des coutumes patriarcales et religieuses dont les fameuses révolutions arabes ont montré le pouvoir de résistance en les faisant échouer. Car même si le Maroc est demeuré à l’écart de ces mouvements populaires, on connaît les réactions parfois violentes suscitées par les films de Nabil Ayouch et leur représentation de la femme au sein de cette société arc-boutée sur des traditions archaïques et anachroniques. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Nisrin Erradi qui incarne la taularde tient le rôle principal de son nouveau film présenté à Cannes, Everybody Loves Touda. Reines a la bonne idée d’utiliser la panoplie du cinéma de genre pour défendre un propos féministe au fond assez audacieux qui le rattache par sa structure de road movie à Thelma et Louise. La réalisatrice justifie d’ailleurs son film par un double désir de plaisir et de mélange des genres, en faisant de son trio de circonstance une sorte de famille recomposée. Issue du département scénario de la Fémis, Yasmine Benkiran signe là un premier long métrage fort prometteur.

Jean-Philippe Guerand

Film franco-maroco-belgo-néerlandais de Yasmine Benkiran (2022), avec Nisrin Erradi, Jalila Talemsi, Nisrine Benchara. 1h23.




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