Critique

Publié le 7 février, 2024 | par @avscci

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Race for glory: Audi vs Lancia de Stefano Mordini

1983, l’écurie italienne Lancia peine à se hisser au niveau de sa rivale allemande Audi qui domine le championnat de rallye. Déterminé à battre son homologue Roland Gumpert et son pilote star Hannu Mikkola, le directeur sportif Cesare Fiorio recrute Walter Röhrl pour prendre le volant d’un nouveau modèle. Si ce dernier accepte finalement de rempiler sous ses ordres, gagner n’est pas sa priorité…

Le projet est né de la rencontre entre Riccardo Scamarcio et le leader fanfaron dont il interprète le rôle et qui l’a fasciné par sa façon d’évoquer ce combat entre David et Goliath, son équipe au budget réduit affrontant une entreprise richissime à la technologie plus avancée et avec des soutiens affirmés au sein des instances sportives. L’angle est assez classique, avec un duel entre un « gentil » et un « méchant » et ne bénéficie pas de la même ampleur formelle que les récents Rush de Ron Howard (avec déjà Daniel Brühl qui joue ici Gumpert en toute discrétion) ou Le Mans 66 de James Mangold, qui restent des films hollywoodiens assez sages au demeurant. Malgré des moyens nettement inférieurs, cet affrontement entre leaders d’écurie par véhicules interposés a son pesant d’adrénaline grâce à un suspense (souvent artificiel) qui fait fi de la réalité historique. Elle a en effet été modifiée à des fins dramatiques pour adopter avant tout le point de vue de Cesare Fiorio qui se donne le beau rôle, avec ce qu’il faut de failles pour qu’on s’attache à lui. Riccardo Scamarcio, qui excelle surtout dans des emplois d’homme fragile, a ici un tempérament plus volontaire. On croit à cette verve égocentrique dont il fait preuve, à ses talents de beau parleur prêt à tout pour obtenir ce qu’il veut : la victoire, la reconnaissance de ses pairs, battre ses adversaires avec panache préférablement, mais une victoire à l’arrachée lui suffit, au pire. Le mérite du film est surtout de faire revivre avec un recul nostalgique – comme le faisaient les exemples ci-dessus – l’âge d’or de l’engouement populaire dont bénéficiaient les courses automobiles qui n’ont plus la même aura de nos jours. Leur mise en scène fait preuve d’authenticité jusque dans la dangerosité de cette ère moins prudente, avec voitures d’époque et cascades à l’ancienne. Comme dans de vrais rallyes, ces duels de bolides sont filmés sur des routes rugueuses, en plein air, et non dans des circuits bien propres de Formule 1. Volker Bruch intrigue en pilote qui se fait tirer les oreilles car il n’a aucune envie d’aller courir trop loin et surtout montre clairement une peur de mourir ou d’être très grièvement blessé, le taux de mortalité étant alors très élevé. Cette angoisse apparaît souvent en filigrane de ce genre de récits, mais jamais avec la part de mystère qui existe ici : a-t-il si peur que cela ou juge-t-il plutôt inutile de risquer sa santé dans des compétitions moins exaltantes mais tout aussi dangereuses ? Un personnage d’autant plus inattendu dans ce contexte riche en virilité d’un autre temps qu’il s’avère être un apiculteur amateur, capable de s’arrêter durant une compétition en Grèce… pour admirer le travail d’un modeste confrère qu’il voit travailler alors qu’il passe par hasard devant son terrain !

Pascal Le Duff

Film italien de Stefano Mordini (2023), avec Riccardo Scamarcio, Daniel Brühl, Volker Bruch, Esther Garrel, Giulio Brizzi . 1h33.




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