Critique

Publié le 10 novembre, 2022 | par @avscci

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Pacifiction d’Albert Serra

Exigeant, par sa forme et sa longueur, mais moins figé que son film précédent Liberté, Pacifiction, Tourment dans les îles, épouse aux premiers abords la forme d’un thriller politique dans le décor paradisiaque de la Polynésie française. Son personnage principal, le Haut-Commissaire de la République (splendidement interprété par un Benoit Magimel désarmant de charme filou et d’inquiétude sourde), prend constamment le pouls de la collectivité dont il a la charge. Lorsque des rumeurs de reprise des essais nucléaires dans la région se font pressantes, une menace plus générale commence à se répandre. Mais parce que l’on est chez Albert Serra, pour lequel la narration et la dramaturgie importent peu, l’intrigue reste au niveau de l’abstraction et ce qui se déploie tient plus de l’ordre du “flou” que de l’explication ou du suspense. Le film nous entraîne alors dans une déambulation mentale qui nous donne l’impression de vivre le film directement depuis l’esprit paranoïaque du représentant de l’État. Tout d’abord assez bavard, à travers de longues séquences qui retranscrivent avec ironie le langage technocratique des élites comme leur propension à aligner les banalités mondaines, le film s’étire peu à peu dans de longues séquences contemplatives hypnotiques et hallucinées, à la beauté et à la puissance sidérantes, avant de s’achever devant la plus glaçante démonstration de cynisme que le cinéma nous ait offert pendant cette quinzaine : ni satirique, ni amusante, mais un concentré de folie criminelle à l’état pur. 

Marie-Pauline Mollaret

Film espagnol d’Albert Serra (2022), avec Benoit Magimel, Pahoa Mahagafanau, Sergi Lopez, Marc Susini, Cécile Guilbert. 2h43.




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