Critique

Publié le 6 mars, 2023 | par @avscci

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N’oublie pas les fleurs de Genki Kawamura

C’est en portant à l’écran le roman qu’il a publié en 2019 que le réalisateur Genki Kawamura est passé au long métrage. C’est dire combien lui tenait à cœur cette histoire inspirée du destin authentique de sa propre grand-mère qu’il a vue en proie aux atteintes irrémédiables de la maladie d’Alzheimer. Producteur de nombreux films d’animation parmi lesquels les œuvres maîtresses de Makoto Shinkai (Your Name) et Mamoru Hosoda (Les Enfants loups), le cinéaste cite également parmi ses références un monument du cinéma japonais : Les Contes de la lune vague après la pluie (1953) de Kenji Mizoguchi. Une influence fondamentale qui l’incite à jongler avec la temporalité pour observer cette femme dont l’esprit se fracture au fil des plans-séquence qui composent ce puzzle mental dont les couleurs sont les marqueurs visuels de ses deux protagonistes principaux entre lesquels se creuse un abîme vertigineux, de ce jour d’hiver funeste où le fils a retrouvé sa mère errant dans un parc comme une âme en peine par un froid glacial. Genki Kawamura ne se positionne pourtant jamais dans la déploration ou la fatalité. Il choisit pour tenir le rôle délicat de cette femme frappée dans ce qu’elle a de plus essentiel une actrice hors du commun, Mieko Harada, qui a elle-même consacré un court métrage documentaire à la démence de sa propre mère. De là à imaginer que sa composition saisissante dans N’oublie pas les fleurs revêt aussi la forme d’une thérapie intime, il n’y a qu’un pas que ce film d’une insigne dignité nous invite à accomplir avec une pudeur et une tendresse de tous les plans.

Jean-Philippe Guerand

A Hundred Flowers Film japonais de Genki Kawamura (2022), avec Masaki Suda, Mieko Harada, Masami Nagasawa 1h44.




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