Critique

Publié le 23 janvier, 2024 | par @avscci

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May December de Todd Haynes

Directeur d’actrices de renom, Todd Haynes réunit dans son nouveau film deux des meilleures comédiennes de leur génération : Julianne Moore qu’il fut l’un des premiers à révéler dans Safe (1995) et Natalie Portman qu’il dirige pour la première fois. Un duo inédit pour un film en miroir où une jeune actrice se rapproche de la femme dont elle doit interpréter le rôle à l’écran. Un sujet qui évoque évidemment le cinéma d’Ingmar Bergman et plus particulièrement Persona (1966), pour le phénomène de vampirisation qui rapproche une infirmière et une actrice frappée de mutisme, même si Todd Haynes évite sagement de fusionner ces visages féminins qu’il cadre en gros plan, et Face à face (1976), dont May December rappelle l’affiche évocatrice du fameux test de Rorschach, où une psychiatre passait de l’écoute à la parole. Comme souvent chez le réalisateur d’I’m Not There, un personnage peut en cacher un autre. Il s’attache en l’occurrence dans May December à ce processus qui constitue pour une actrice à s’approprier un personnage. Et là, la référence qui s’impose est à chercher du côté de John Cassavetes et plus particulièrement d’Opening Night (1977) dans lequel il a guidé son épouse Gena Rowlands sur la corde raide des sentiments. Or, c’est parce qu’il assume ces influences majeures et s’en imprègne que Todd Haynes donne à cette étude de caractères magistrale une authenticité dénuée d’artifices en poussant ses deux interprètes à se transcender sur une partition ciselée jusqu’à l’épure qui se demande comment se mettre dans la peau des autres sans perdre pour autant sa propre identité.

Jean-Philippe Guerand

Film américain de Todd Haynes (2023), avec Natalie Portman, Julianne Moore, Charles Melton, Cory Michael Smith. 1h57.




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