Critique

Publié le 7 mars, 2024 | par @avscci

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Madame de Sévigné d’Isabelle Brocard

Filmer un écrivain est un défi. Il y eut le Leopardi de Martone (notre récent n° 705), il y eut le Anton Tchekhov de Féret (mentionné dans notre précédent numéro), Bright Star de Campion, sur Keats. C’est ce dernier que cite Isabelle Brocard quand on l’interroge sur les « films d’écrivains ». Pour raconter celle que Proust plaçait justement au plus haut de la littérature française, le parti pris de la cinéaste est politique et psychologique, même si on entend constamment les écrits de la marquise. Pour elle, son histoire et celle de sa fille, Madame de Grignan, est inséparable de la place des femmes au siècle de Louis XIV. Une possibilité existait alors de conquérir une sorte d’indépendance : en témoignent les « Précieuses », qui n’étaient pas ridicules. Mais Isabelle Brocard s’attache aussi à l’amour envahissant d’une mère qui ne supporte pas l’absence de sa fille, et peut-être pas non plus, justement, son indépendance. Le film assume les contradictions de cette relation, l’indépendance de la fille passant par l’attachement à son mari, gouverneur de la Provence, si loin à l’époque du Paris de Sévigné. Karin Viard et Ana Girardot incarnent fortement ce parti pris, qui n’oublie ni la beauté des lieux, des costumes, des personnes, ni de celle de cette nature vivante dont Madame de Sévigné fut une des rares à rendre compte, bien avant Rousseau ou les romantiques.

René Marx

Film français d’Isabelle Brocard (2023), avec Karin Viard, Ana Girardot, Cédric Kahn, Noémie Lvovsky. 1h32.




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