Critique

Publié le 18 juillet, 2023 | par @avscci

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Limbo de Soi Cheang

Le point de départ de ce film est des plus classiques. Un policier désabusé fait équipe avec une jeune recrue pour élucider une série de crimes qui vise des jeunes femmes. Couronné du Grand prix et du Prix de la critique au Festival Reims Polar, Limbo s’impose d’emblée par son parti pris esthétique et notamment l’usage d’un noir et blanc traité comme une eau-forte. L’atmosphère y est crapoteuse dans un cadre interlope où la grande ville recèle des zones de non-droit dans lesquelles les autorités ne prennent même plus la peine de s’aventurer. Un univers marginal propice aux pires turpitudes où un tueur en série passablement dérangé peut retenir prisonnière l’une de ses victimes pieds et poings liés pour jouir de sa souffrance en toute impunité. Ce monde à part qu’on peut qualifier d’« underground » au propre comme au figuré apparaît comme une sorte de matérialisation du premier des neuf cercles de l’enfer, les fameuses Limbes évoquées dans le titre, jonché de statuettes et de figurines à perte de vue et perdu dans un dédale de canaux souterrains. Soi Cheang met en scène une sorte de monde à deux niveaux qui renvoie à la mythologie en opposant topographiquement le Bien (relatif) en surface au Mal en sous-sol, avec cet enjeu élémentaire qui consiste pour les policiers à trouver comment passer d’un monde à l’autre pour remplir leur mission. Ce film saturé de symbolisme et noyé de pluie est une réussite qui convoque trois influences majeures : le Stanley Kubrick du Baiser du tueur (1955), le Ridley Scott de Black Rain (1989) et le Lars von Trier de The House That Jack Built (2018). n Jean-Philippe Guerand

Film hong-kongo-chinois de Soi Cheang (2021), avec Ka Tung Lam, Yase Liu, Mason Lee, Hiroyuki Ikeuchi. 1h58.




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