Critique Lettre à l'enfant que tu nous a donné de Charlotte Silvera

Publié le 13 juin, 2022 | par @avscci

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Lettre à l’enfant que tu nous a donné de Charlotte Silvera

En 1985, Charlotte Silvera nous présentait son premier film : Louise l’insoumise, une fiction très autobiographique qui témoignait (déjà) de sa révolte et de son exigence. Trente-sept ans plus tard, après plusieurs films de différents formats, pour le cinéma et la télévision, le cinéaste nous montre avec sa Lettre à l’enfant que tu nous as donné que son bouillonnement intérieur n’a en fait jamais cessé. Rangé par les paresseux parmi les « documentaires », le film est de fait inclassable, qui mélange en effet des images d’archives, des témoignages plus contemporains, mais aussi des scènes jouées, et même des séquences d’animation. Un joyeux fourre-tout qui apparaît d’abord comme une lettre ouverte (comme son titre nous incite à la croire) adressée à une jeunesse que la réalisatrice n’a jamais cessé d’observer. Une lettre à la première personne (la voix off est celle de la réalisatrice) qui embrasse toute l’histoire des cent dernières années, certains moments clés étant évidemment mis en avant, qu’il s’agisse de l’accession de la Gauche au pouvoir ou des combats des femmes, concernant notamment le droit à l’IVG. Le film nous balade, nous ballote, nous entraîne comme si nous étions pris dans une vague irrésistible. Ce pourrait être fatigant, et c’est tout l’inverse tant nous sommes touchés par la vigueur de ce plaidoyer pour une vie meilleure. Et, il faut le souligner, parce que la forme est d’une invention de tous les instants, qui ajoute sans cesse du ludique, du spontané, du coloré au propos. Les petites vignettes de fiction sont souvent très drôles, qui nous font penser à certaines scènes de L’An 01, le premier film de Jacques Doillon, à l’aube des années 70, qui peut être vu avec le recul comme un catalogue complet de tous les fantasmes d’une époque où la frontière entre rêve et réalité s’estompait vraiment. Constatant une certaine désaffection des jeunes générations pour la chose publique (on regarde aujourd’hui plus volontiers son smartphone que le monde tel qu’il est), Charlotte Silvera conclut son propos plein de verve et d’espoir par une incitation à renverser la vapeur et à se rendre dans les bureaux de vote… Raison de plus pour que son beau film (qui n’a pas connu une sortie classique) soit vu par le plus grand nombre, soit diffusé sur toutes les chaines, soit relayé par tous ceux qui croient en la beauté du monde…

Yves Alion

Film documentaire français de Charlotte Silvera (2022), avec Thomas Chabrol, Denis Parent. 1h24.




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