Critique

Publié le 26 juillet, 2023 | par @avscci

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Les Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan

Comment parler d’un grand cinéaste ?  Quelles petites lignes d’écriture peut-on jeter sur le papier pour saisir le monde, l’esthétique, la vision d’un artiste dont toutes les œuvres ont su nous toucher, nous mettre face au spectacle (au premier sens du mot) d’une humanité capturée dans toute sa complexité, vulnérabilité, dans sa veulerie même, et pourtant nimbé d’une beauté irréfutable.  A l’exception de Winter Sleep, sa Palme et le seul film décevant du cinéaste, les longs métrages de Nuri Bilge Ceylan sont des moments de cinéma essentiels, plus encore dans le contexte actuel de banalisation des images et de sérialisation du septième art. Quant aux Herbes sèches en soi, le film nous met face à un enseignant ambitieux et un brin suffisant, qui chute subitement par l’arrivée d’un scandale vaguement proche d’un me too turc, ou d’une version réactualisée et plus ambiguë de La Chasse de Vintenberg. Bien entendu, Ceylan est trop subtil pour créer un objet polémique générateur d’indignation. Il n’y a ici aucun camp, certainement pas l’ombre d’une vérité, juste des contradictions infinies, grandes ou (très) petites, dans lesquelles se débattent les protagonistes.  Le personnage principal s’évertue ainsi à tenter de faire surgir un point de vue unique et simple, une vérité qui n’arrive pas, et révèle à la place les multiples contradictions de son comportement et de la société dans laquelle il s’agite. La force de Ceylan n’est, à nouveau, pas seulement sa subtilité, mais sa capacité à faire exister par des plans, par des morceaux de paysage, des regards, des visages, par un langage visuel épuré et sophistiqué, les remous les plus intimes. Inutile donc de le préciser ou de mettre des mots dessus : Les Herbes sèches est à nouveau, simplement, un grand film.

Film turc de Nuri Bilge Ceylan avec Deniz Celiloğlu, Merve Dizdar, Musab Ekici. 2h 17m. Sortie le 12 juillet.

Pierre Simon Gutman 




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