Critique

Publié le 13 mars, 2024 | par @avscci

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Les Carnets de Siegfried de Terence Davies

Disparu en octobre dernier, Terence Davies était un des grands maîtres du cinéma anglais contemporain. Ce qui restera hélas son dernier film en est un nouveau témoignage, doux dans la forme, flamboyant dans ses passions contenues. Lui-même homosexuel et ancien catholique, il ignorait que le poète Siegfried Sassoon qu’il admirait l’était également avant d’entamer ses recherches pour son scénario. Soldat décoré de la Première Guerre Mondiale, il n’aura de cesse ensuite d’exprimer sa haine viscérale de tout conflit, choqué d’avoir vu ses camarades tomber au nom d’un idéal de résistance légitime perverti par des politiques d’agression et d’expansion opportunistes. Le réalisateur des sublimes Distant voices et Chez les heureux du monde met en scène les états d’âme de l’écrivain à deux périodes éloignées. D’abord dans ses jeunes années où il est ostracisé par sa hiérarchie en raison de son engagement pacifiste et se délecte en mondanités qui le mèneront vers le compositeur Ivor Novello qui sera son amant. Il le montre aussi à l’hiver de sa vie, alors qu’il est devenu un ermite, amer à force de cadenasser son orientation sexuelle et écrasé par le poids de ses regrets. Il a renoué avec la religion, angoissé par la mort qui se rapproche et hanté par ses disparus. Cette structure en deux époques crée un effet miroir, comme une boucle – une constante dans la construction de ses films – qui accentue la mélancolie poignante de l’issue inéluctable de la vie qu’il savait si bien dépeindre.

Pascal Le Duff

Benediction. Film britannique de Terence Davies avec Jack Lowden, Peter Capaldi, Jeremy Irvine, Tom Blyth. 2h18.




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