Critique

Publié le 29 septembre, 2022 | par @avscci

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Le Sixième Enfant de Léopold Legrand

Le mélodrame est un genre méprisé qui a connu son heure de gloire à l’âge d’or des romans à l’eau de rose publiés en feuilletons. La radio, puis la télévision l’ont rendu désuet, en sacrifiant le droit à l’imagination. Seul l’opéra pérennise aujourd’hui cette tradition incompatible avec notre époque cynique et surmédiatisée. Léopold Legrand se frotte à ce genre dans Le Sixième Enfant en orchestrant la rencontre de deux couples dont l’un possède ce qui manque à l’autre : un enfant en cours de gestation. Les uns en ont déjà cinq, ce qui fait de la grossesse de leur mère une véritable tragédie pour ces ferrailleurs incapable d’assumer matériellement cette nouvelle charge. Mais quand un couple de trentenaires en mal de progéniture leur propose d’adopter le nouveau-né, c’est compter sans la société dont l’arsenal législatif s’avère incompatible avec les aspirations des uns et des autres. Du culot, il en fallait pour se frotter dès son premier long métrage à un sujet aussi ambitieux. Léopold Legrand a misé sur une distribution de nature à transcender son sujet à travers des situations extrêmes. Face au couple formé par Judith Chemla et Damien Bonnard, il a imaginé de placer celui que constituent Sara Giraudeau et Benjamin Lavernhe. À la force rugueuse des uns, il oppose la vulnérabilité des autres et joue habilement de leurs contrastes comme de la fragile complicité qui s’établit entre eux, tout en montrant le doute qui s’installe et les ronge petit à petit. Ce film sur le désir d’enfant réussit à émouvoir sans jamais pousser artificiellement le curseur. C’est tout à son honneur.

Jean-Philippe Guerand

Film français de Léopold Legrand (2022), avec Sara Giraudeau, Benjamin Lavernhe, Judith Chemla, Damien Bonnard 1h32.




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