Le Procès Goldman de Cédric Kahn

Les moins de vingt ans, voire plus, l’ignorent sans doute, mais le procès Goldman charrie automatiquement, pour toute une génération, une somme active d’images et de fantasmes. Pour rappel, Pierre Goldman était une figure de l’extrême- gauche tombée dans le banditisme et qui fut accusé du meurtre de deux pharmaciennes lors d’un braquage raté. Il clamait son innocence avant d’être condamné et son appel devint un lieu improbable ou des figures politiques et artistiques (Signoret !) se montrèrent, alors que l’affaire devenait l’objet d’un affrontement idéologique qui dépassait Goldman, même si la transformation derrière les barreaux de ce dernier en écrivain de talent compta beaucoup dans l’impact médiatique. Cet aspect glamour fût déjà magnifié dans le téléfilm Goldman, où Samuel Bentchetrit prêtait son charisme au personnage. Peut-être est-ce pour cela que Kahn accomplit une démarche inverse, un chemin de dépouillement qui abandonne tous les clichés spectaculaires de l’ange noir, et aventurier de la révolution, Goldman ? En se concentrant sur le lieu du procès, sur les mots des témoignages, le cinéaste semble vouloir restituer la parole unique enflammée de l’homme ainsi qu’une vérité, blottie dans les mots, peu commode car dénuée de solutions ou de certitudes. La langue fut la vraie grande arme de Goldman, plus que les flingues, et Kahn a eu bien raison de se concentrer sur elle.

Pierre-Simon Gutman

Film français de Cédric Kahn (2023) avec Arieh Worthalter, Arthur Harari, Nicolas Briancon. 1h55.