Critique

Publié le 9 avril, 2024 | par @avscci

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Le mal n’existe pas de Ryusuke Hamaguchi

Né en 1978, Hamaguchi s’était imposé aux cinéphiles avec le choc de Senses, en 2015, un film de plus de cinq heures. La force de la mise en scène, le rythme et le charme du récit faisait passer ces cinq heures comme un rêve, dans l’enchantement, le plaisir de la découverte. Nous avons ensuite en France découvert son beau film d’étudiant de 2008, Passion. Puis Asako 1 et 2 (2018), Contes du hasard et autres fantaisies (2021). Avant le succès mondial de Drive My Car (2022), Hamaguchi avait eu le temps d’écrire le scénario des Amants sacrifiés, le film de 2020 de son ex-professeur de cinéma à l’Université, Kiyoshi Kurosawa. Hamaguchi, Kurosawa, Kore-Eda, les Japonais ne quittent pas une seconde leur place déterminante dans la création cinématographique. Dans ce nouveau film, Hamaguchi introduit un homme calme et déterminé, vivant au cœur d’une forêt splendide, dans un équilibre personnel, social, familial, qu’envieraient sans doute des milliards de citadins perturbés sur la planète. L’idée du film est née d’une collaboration à l’occasion d’un concert de la compositrice de la musique de Drive My Car et du Mal n’existe pas, Eiko Ishibashi, Le film nous permet d’apprendre un drôle de néologisme international, le glamping, mot-valise mêlant glamour et camping, une des nombreuses fausses valeurs d’un monde tordu que Pasolini décrivait déjà il y a plus de cinquante ans. L’irruption d’un projet commercial de glamping dans l’environnement naturel menace son équilibre. Si Hamaguchi satisfait au schéma désormais classique de la résistance opiniâtre d’une population locale à des investisseurs extérieurs sans scrupules, le film emprunte de nombreuses autres pistes, psychologiques, amicales, sociales, familiales, tragiques même, avec une science du scénario et de l’imprévu qui confirme l’importance d’un « jeune » cinéaste déjà au rang des classiques. Les contre-plongées verticales sur des cimes d’arbres magnifiques viennent tout droit des premiers plans de Rashômon (1951) et ancrent un récit ultra-moderne dans l’éternité d’une culture qui nous est devenue indispensable.

René Marx

悪は存在しない. Film japonais de Ryusuke Hamaguchi (2023), avec Hitochi Omika et Ryo Nishikawa. 1h46.




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