Critique

Publié le 13 septembre, 2023 | par @avscci

0

Le Grand Chariot de Philippe Garrel

Associé dès ses débuts à Jean-Luc Godard période Mao, Philippe Garrel a accompli le parcours inverse de son mentor en épurant son art jusqu’à l’ascèse au contact de coscénaristes épris de romanesques tels que Marc Cholodenko, Arlette Langmann et Jean-Claude Carrière, qui a également collaboré avec son fils Louis. Le Grand Chariot est une sorte d’aboutissement qui lui a valu l’Ours d’argent de la mise en scène à la dernière Berlinale et marque son retour à la couleur après quatre opus en noir et blanc, à travers la chronique impressionniste d’une troupe familiale : la grand-mère fabrique des marionnettes que manipulent son fils et ses trois petits-enfants incarnés par Louis, Esther et Léna Garrel. Cette version moderne du Capitaine Fracasse dont les protagonistes tirent symboliquement les ficelles, pareils à des dieux dérisoires, arbore les stigmates d’une œuvre testamentaire à laquelle manque toutefois une pièce maîtresse, le propre père du cinéaste, l’acteur Maurice Garrel, décédé en 2011, qu’il a dirigé à plusieurs reprises. Cette élégante comédie de caractères se distingue par son élégance et la pudeur des sentiments qui s’y expriment quand l’une des figures de ce portrait de famille disparaît en menaçant son équilibre. Comme un prélude à la fin d’un monde en voie de disparition. La nostalgie qui se dégage de ce film intense témoigne de la sincérité d’un artiste parvenu aujourd’hui au comble de l’épure et qui va droit à l’essentiel. Aux antipodes de l’audace qu’il manifestait à ses débuts, lui qui a signé son premier court métrage à 16 ans, Les Enfants désaccordés (1964).

Jean-Philippe Guerand

Film franco-suisse de Philippe Garrel (2023), avec Louis Garrel, Damien Mongin, Esther Garrel, Léna Garrel. 1h35.




Back to Top ↑