Critique

Publié le 11 septembre, 2023 | par @avscci

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Le Ciel rouge de Christian Petzold

Leon et son meilleur ami Felix s’installent pour quelques semaines dans la maison de famille de ce dernier, pour y travailler dans le calme. Le premier lutte pour achever la rédaction de son deuxième livre, le second doit finaliser son dossier d’admission pour l’école des Beaux-Arts. L’arrivée de Nadja, fille d’une collègue de la mère de Felix, va perturber la quiétude recherchée, tout comme la présence de Devid, le maître-nageur qui passe certaines nuits – trop bruyantes au goût de Leon – avec elle. Les incendies de forêt qui frappent les environs ne les tourmentent pas, même s’ils se rapprochent dangereusement…

Le nouveau long métrage du réalisateur de Barbara et Ondine lui a été en grande partie inspiré par le visionnage intensif durant le confinement de l’intégrale des longs métrages d’Eric Rohmer qui lui ont été offerts juste avant, dans le magnifique coffret édité par Potemkine ! On sent bien l’influence du maître français du marivaudage sur les liens volatiles qui se tissent entre les personnages mais il s’en détache suffisamment pour imprimer une patte personnelle. Il accentue la gravité du cadre bucolique, en premier lieu à travers le caractère de Leon qui, jaloux du plaisir que vivent ses compagnons, s’exclue alors qu’ils ne cessent de vouloir l’inclure dans leurs activités. Il essaie bien d’imposer sa mauvaise humeur mais ils résistent, très heureux de ces vacances au bord de l’eau, d’aller à la plage et de se baigner, alors que lui peine à s’éloigner de sa machine à écrire. Ce sont quatre personnages très attachants qui sont dessinés, jusque dans leur caractérisation moins superficielle qu’en apparence. Thomas Schubert est excellent en jeune romancier angoissé, si persuadé que le monde tourne autour de lui qu’il se montre souvent insensible à ce qui touche son entourage confronté à des événements plus dramatiques que l’angoisse de la page blanche. Paula Beer trouve la note juste en femme indépendante au sourire éclatant, étrangement attirée par ce grand bougon qui fuit l’affection que tous lui portent avec un élan qu’il est incapable de leur rendre.

Malgré son mal-être qui crée un malaise autour de lui, une légèreté très plaisante pèse sur ce récit bucolique qui rappelle celle au cœur de ce joli moment de cinéma qu’était Eva en août de Jonás Trueba. Avec une tonalité plus sombre donc, Christian Petzold embrasse ce temps perdu de l’été, filmé comme un moment de transition pour chacun des protagonistes. La chaleur, de la saison comme celle des incendies causés par la sécheresse qui règne depuis des semaines, agit comme la métaphore de celle qui s’empare de leurs cœurs, de leurs corps et de leurs esprits.

Pascal Le Duff

Roter Himmel. Film allemand de Christian Petzold (2023), avec Thomas Schubert, Paula Beer, Langston Uibel. 1h39

 




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