Critique

Publié le 22 mars, 2023 | par @avscci

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Le bleu du caftan de Maryam Touzani

C’est une histoire simple, mais pourtant infiniment compliquée. Celle d’un couple qui tient un magasin de caftans au cœur de la médina de Salé, au Maroc, et partage une complicité que la longueur de leur mariage n’a fait que renforcer. Au point de dissimuler un secret qui aurait pu briser leur union : Halim refoule son homosexualité et Mina est la première à le protéger. Jusqu’au moment où se présente un jeune apprenti qui va mettre en péril cet équilibre précaire… Révélée par son premier film, Adam, Maryam Touzani aborde un sujet infiniment délicat sinon tabou dans le Maroc d’aujourd’hui. Elle choisit pour cela un personnage principal taiseux dont les certitudes vacillent lorsqu’il se trouve confronté à ses pulsions trop longtemps retenues. Un sujet magnifique traité avec une délicatesse extrême qui joue davantage sur les non-dits et les silences feutrés que sur une logorrhée redondante. Si une actrice se jauge à ses choix, Lubna Azabal est un modèle insurpassable parmi sa génération. Chaque rôle est pour elle un enjeu majeur dans lequel elle jette toute son énergie. Dans Le Bleu du caftan, elle incarne une femme qui a passé son existence à couver son tailleur de mari et va tout mettre en œuvre pour s’assurer qu’il lui survive en étant heureux. Un sujet audacieux qui témoigne de l’engagement de Maryam Touzani pour tenter de faire bouger les lignes des mœurs dans un royaume chérifien où l’homosexualité ne peut encore se concevoir qu’à l’écart du regard des autres. C’est cette hypocrisie institutionnalisée que stigmatise ce beau film porté par trois interprètes habités.

Jean-Philippe Guerand

Film franco-maroco-belgo-danois de Maryam Touzani (2022), avec Lubna Azabal, Saleh Bakri, Ayoub Missioui 2h02.




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