Critique

Publié le 7 octobre, 2023 | par @avscci

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L’air de la mer rend libre de Nadir Moknèche

Pressé par ses parents, un célibataire d’origine algérienne consent à se soumettre à un mariage arrangé avec une fille de sa communauté qu’il n’a pas choisie. À ce détail près que lui qui a toujours dissimulé son homosexualité à ses proches doit céder à ce diktat anachronique dont son épouse n’est pas vraiment dupe. Nadir Moknèche trouve constamment le ton juste pour traiter de ce sujet délicat qui provoque une secousse tellurique entre tradition et modernité au cœur d’une société française bien peu compatible avec certaines pratiques d’un autre âge. Le cinéma situe généralement ce genre de thématiques dans des territoires décalés sur le plan des mœurs, comme le Maroc du Bleu du caftan de Maryam Touzani, autre évocation du tabou de l’homosexualité où apparaissait déjà l’actrice fétiche du réalisateur, Lubna Azabal, qui campe ici la mère de la mariée. Le réalisateur talentueux de Viva Laldjérie (2004) et Goodbye Morocco (2012) s’appuie en outre sur des interprètes dont l’alchimie fait merveille, qu’il s’agisse du couple formé par Youssouf Abi-Ayad et Kenza Fortas, de ses parents bouchers à lui qu’incarnent Saadia Bentaïeb et Zinedine Soualem ou de la toujours touchante Zahia Dehar en décalage perpétuel. Derrière son beau titre poétique, L’air de la mer rend libre a le mérite de montrer les stratagèmes auxquels sont parfois obligés de se soumettre les membres de certaines communautés pour vivre clandestinement leurs sentiments. Pas sûr que ce film audacieux et courageux voie sa diffusion autorisée au Maghreb. Il s’impose toutefois par sa sincérité et son refus du manichéisme.

Jean-Philippe Guerand

Film français de Nadir Moknèche (2023), avec Youssouf Abi-Ayad, Kenza Fortas, Saadia Bentaïeb, Zinedine Soualem, Lubna Azabal, Zahia Dehar. 1h30. 




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