Critique

Publié le 12 mai, 2024 | par @avscci

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La Vie selon Ann de Joanna Arnow

Considération préliminaire. Le cinéma américain a rarement été novateur sur le plan des mœurs, conséquence d’une civilisation plutôt puritaine qui a toujours laissé l’Europe et l’Asie s’approprier les choses du sexe, jolies ou pas. On est d’autant plus surpris de découvrir aujourd’hui La Vie selon Ann, film d’auteur qui s’attache à une femme libre au point d’accorder une importance prépondérante à sa jouissance en profitant d’une certaine misère sexuelle due à la fois au puritanisme ambiant et à une immaturité chronique en matière de mœurs qui associe la prostitution au folklore pittoresque d’Irma la douce. En cumulant les fonctions d’actrice et de réalisatrice, Joanna Arnow assume ce propos à double titre et livre une réflexion assez mélancolique sur le sens de la vie dans un contexte de solitude affective où les sens n’exultent pas vraiment. Le titre original en dit d’ailleurs long à ce sujet. The Feeling That the Time for Doing Something has Passed, c’est-à-dire grosso modo “L’Impression que le moment d’entreprendre quelque chose est dépassé ». La particularité de la célibataire new-yorkaise que prend Joanna Arnow pour épicentre de ce désordre amoureux est de revendiquer son goût pour la soumission, face à des mâles dominateurs pas toujours vraiment à leur avantage. La vie selon Ann nous invite à nous contempler dans un miroir bien peu flatteur où chacun reconnaîtra sans doute… un voisin ou un ami. Ce portrait au vitriol apparaît pourtant aussi juste que dérangeant, mais il a le mérite de l’assumer voire de le revendiquer avec une liberté et une noirceur pétries de lucidité.

Jean-Philippe Guerand

The Feeling That the Time for Doing Something has Passed. Film américain de Joanna Arnow (2023), avec Joanna Arnow, Scott Cohen, Babak Tafti, Alysia Reiner 1h28.




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