Critique

Publié le 11 octobre, 2023 | par @avscci

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La Fiancée du poète de Yolande Moreau

Agnès Varda comparait Yolande Moreau à Simone Signoret : « Elles ont la même beauté, la même violence dans le visage et le regard, avec ces yeux perçants, extraordinaires ». On rencontre en effet au cinéma peu de personnalités aussi rayonnantes. Ironique, humaine, baroque, elle est une actrice unique au théâtre, au cinéma, à la télévision, mais aussi une cinéaste. Après Quand la mer monte (2004), Henri (2013), cette lectrice de Rimbaud et de Maeterlinck ne quitte pas les Ardennes pour ce nouveau film. Son héroïne est serveuse à Charleville, mais sa vie a été aussi aventureuse que celle de la cinéaste. Revenue dans la vieille maison familiale des bords de la Meuse, elle y héberge trois hommes d’âges et de conditions divers qui prétendent chacun être quelqu’un d’autre. Et elle rêve au fond de son cœur de retrouver le poète qu’elle a aimé autrefois. Il réapparaîtra, aussi imprévisible que le beau scénario de ce film. Si Yolande Moreau dit qu’elle a voulu célébrer les faussaires, on peut voir aussi dans son film un hommage au théâtre, à la feinte, à la double vie des acteurs. Une liberté narrative absolue fait la force des trois fictions qu’elle nous a proposées en vingt ans. Comme Renoir, Moreau paraît toujours prête à laisser entrer l’inédit sur le plateau. Sa créativité bouillonnante, associée à un choix d’acteurs qui lui ressemblent fabrique la jubilation du public. Nous autres spectateurs avons la chance que le cinéma laisse s’exprimer Varda, Stévenin, Kaurismaki ou Moreau pour leur permettre de nous entraîner sur les chemins de traverse. À 18 ans, Yolande Moreau quittait sa sérieuse famille bruxelloise pour une vie d’aventures. Cinquante ans plus tard, elle continue sa belle échappée.

René Marx

Film français de Yolande Moreau (2023), avec Yolande Moreau, Sergi Lopez, Grégory Gadebois, William Sheller, Anne Benoit, François Morel. 1h43.




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