Critique

Publié le 7 février, 2024 | par @avscci

0

La Bête de Bertrand Bonello

Certains sujets se télescopent parfois dans l’air du temps. L’an dernier, Patric Chiha transposait La bête dans la jungle dans une boîte de nuit berlinoise. C’est aujourd’hui Bertrand Bonello qui puise dans le texte énigmatique d’Henry James l’inspiration futuriste de son nouveau film. Des auteurs aussi différents que Marguerite Duras et François Truffaut (dans La chambre verte) s’y sont frottés sans pour autant en percer le mystère. La structure narrative qu’a choisi Bonello débute dans un futur proche où l’intelligence artificielle considère les émotions comme une menace et contraint une femme à purifier son ADN au contact de celui qui fut son grand amour, sous la menace d’une catastrophe imminente. Un voyage spatio-temporel vertigineux en 2044 dont Bonello avait posé les bases dans son opus précédent, Coma, sur un mode plus expérimental. Dans La bête, les codes de la science-fiction sont transgressés par une vision du futur ni post-apocalyptique ni écrasée par la technologie. Pas question pour Bonello d’inventer notre avenir, mais plutôt de creuser le passé et le présent pour imaginer ce qui nous attend. Prétexte à une histoire immortelle qui hante ses protagonistes. Bonello se risque à donner sa propre interprétation du postulat posé par Henry James en se concentrant sur l’un de ses thèmes de prédilection : la peur d’aimer. Résultat paradoxal, Léa Seydoux n’a peut-être jamais été aussi bouleversante que dans ce voyage au bout d’elle-même. Une expérience vertigineuse d’intensité par ce qu’elle dit d’un meilleur des mondes qui ressemble en fait plutôt à notre pire cauchemar.

Jean-Philippe Guerand

Film franco-canadien de Bertrand Bonello (2023), avec Léa Seydoux, George MacKay, Guslagie Malanda, Dasha Nekrasova. 2h26.




Back to Top ↑