Critique

Publié le 11 septembre, 2023 | par @avscci

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La Beauté du geste de Sho Miyake

Être sourde n’a pas empêché Keiko d’obtenir sa licence de boxeuse et de remporter quelques matchs. D’origine modeste, elle gagne sa vie en travaillant comme femme de ménage dans un hôtel de luxe. Alors que la santé de son mentor, le directeur du club où elle s’entraîne, se dégrade, elle envisage d’arrêter sa carrière qui n’en est pourtant qu’à ses prémisses…

Sho Miyake s’est inspiré très librement de l’autobiographie de Keiko

Ogasawara qui a réussi à s’intégrer dans un monde très masculin, avec le désavantage supplémentaire de sa surdité. Le réalisateur de l’inédit And your bird can sing, récit de la déambulation de trois jeunes gens nonchalants dans Tokyo, n’est clairement pas intéressé par l’idée de faire un énième film sur un sportif prometteur qui va réussir, ou même échouer au bord du succès, son angle est plus original. Ce que vit Keiko est avant tout une crise existentielle profonde que le jeu intérieur de Yukino Kishii fait ressentir au-delà de son silence. Son attrait pour la boxe ressemble plus à une échappatoire qu’à une vocation mais elle fait de son mieux, alors qu’elle n’entend ni l’arbitre, ni le gong, ni ses coachs lorsqu’elle est sur le ring. Elle est ainsi, de fait, livrée à elle-même dans ces moments-là, mais cela se répète régulièrement dans son quotidien. Sho Miyake ne minimise pas que la fragilité de son héroïne et son isolement sont liés à son handicap, sans pour autant s’appesantir exagérément sur cet aspect. La mélancolie de Keiko est prégnante, mais celle qui se dégage des membres de son entourage ne l’est pas moins. Cet auteur prometteur fait preuve d’une délicatesse impressionniste dans sa manière de raconter une vie, sans l’emphase ni les pianos qui envahissent trop souvent le tout venant de la production japonaise contemporaine. L’émotion qui en résulte n’en est que plus forte encore.

Pascal Le Duff

Keiko, me wo sumasete. Film japonais de Sho Miyake (2022), avec Yukino Kishii, Tomokazu Miura, Masaki Miura. 1h39.




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