Critique Tilo Koto de Sophie Bachelier

Publié le 14 décembre, 2021 | par @avscci

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Tilo Koto de Sophie Bachelier et Valérie Malek

Après avoir tenté plusieurs fois la traversée vers l’Europe, Yancouba Badji, originaire de Casamance, échoue dans un camp du sud de la Tunisie, où il partage son quotidien de misère avec d’autres camarades venus de tout le continent. C’est là que les réalisatrices Sophie Bachelier et Valérie Malek le rencontrent, puis décident de lui consacrer un documentaire. Il raconte, par bribes, son parcours si tristement familier : les passeurs, les embarcations de fortune, les conditions de vie impossibles. Il écoute en retour les histoires de ses compagnons d’infortune, et tente d’exorciser dans de grands tableaux colorés les traumatismes vécus en mer et dans les prisons libyennes. Puis on le retrouve de retour chez lui, au Sénégal. Un retour volontaire pour rompre avec la spirale infernale de la misère et de la peur, durant lequel il a créé une association pour sensibiliser les jeunes Sénégalais aux dangers de la route et aux réalités tragiques de l’exil. Car, explique-t-il, s’il avait su ce qui l’attendait dans les prisons libyennes, il ne serait pas parti.

La caméra discrète des deux réalisatrices observe d’un regard bienveillant le cheminement de Yancouba, ne cherchant pas à tout prix le témoignage choc, ou les explications concrètes, mais nous immergeant dans son existence pour mieux faire de nous de ponctuels témoins. Même s’il évite soigneusement le pathos et la surenchère, le film ménage de grands moments d’émotion, qu’il parvient à accompagner d’une forme d’apaisement. En privilégiant la parole de Yancouba et de ceux qu’il rencontre au gré du hasard, Tili Koto donne un visage et un relief à ceux que l’actualité a pris l’habitude de renommer « migrants ». C’est un geste humble, d’une profonde simplicité, qui nous invite à revenir à l’essentiel : remettre l’humain au centre du débat, au-delà de fantasmes et de peurs qui dans cette première moitié du XXIe siècle ne devraient depuis longtemps plus avoir cours.

Marie-Pauline Mollaret

Tilo Koto. Film documentaire français de Sophie Bachelier et Valérie Malek (2019), avec Yancouba Badji. 1h07.




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