Critique

Publié le 4 décembre, 2023 | par @avscci

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Fremont de Babak Jalali

Une jeune réfugiée afghane, employée dans une fabrique de fortune cookies de San Francisco, décide de mettre son travail à profit pour s’enhardir à glisser un message personnel dans l’un de ces biscuits porte-bonheur éphémères et laisser agir le destin. Cette chronique minimaliste au noir et blanc épuré ressemble à son personnage principal par sa délicatesse et sa retenue. Rien n’est jamais appuyé ou spectaculaire dans cet environnement où l’héroïne a exclusivement pour collègues des ressortissants de la communauté chinoise. C’est à travers les instants les plus anodins de sa routine quotidienne qu’on perçoit la solitude de cette jeune femme coupée de tout qui s’exprime à travers les formules laconiques qu’elle rédige pour des inconnus. Un rôle qui révèle en Anaita Wali Zada une interprète prodigieuse par ses regards et ses gestes. Par son esthétique et son atmosphère, Fremont n’est pas sans évoquer ce fleuron du cinéma indépendant américain que fut il y a près de quarante ans Stranger than Paradise de Jim Jarmusch. Avec cette tentation du road movie à laquelle répond le dernier tiers du film au cours duquel la jeune femme part à la rencontre de cette Amérique profonde dont elle ignore tout. C’est là que le film culmine dans une emphase poétique où le pittoresque n’a pas sa place. La fraîcheur de Fremont repose à la fois sur une mise en scène épurée, à l’image du plan frontal choisi pour illustrer son affiche, et l’attention avec laquelle la caméra cadre le moindre geste comme s’il s’agissait d’un authentique morceau de bravoure et le visage de son héroïne comme un paysage humain.

Jean-Philippe Guerand

Film américain de Babak Jalali (2023), avec Anaita Wali Zada, Jeremy Allen White, Gregg Turkington, Hilda Schmelling 1h31.




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