Critique

Publié le 12 mai, 2024 | par @avscci

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Film annonce du film qui n’existera jamais : « Drôles de Guerres » de Jean-Luc Godard

Mort le matin du 13 septembre 2022, mort volontairement, Jean-Luc Godard nous envoie un dernier signe avec ce film très court (20 mn), un film qui parle encore des guerres, qui rêve de l’écrivain wallon Charles Plisnier, un film qui pense à Thomas Bernhardt et à Pirandello. Un film de tableaux. Sa brièveté incite les distributeurs à l’accompagner pour sa sortie d’une réédition des 80 minutes de Notre musique (2004). Des très grands artistes, tout nous importe, leurs notes, leurs éclairs, leurs esquisses. Et Godard lui-même nous avait déjà posé la question de l’esquisse avec la mémorable exposition de 2006 au Centre Pompidou, ou plutôt la non-exposition puisqu’à la suite d’un désaccord avec cette institution (tiens donc ?), les tuyaux de Beaubourg surplombaient la mélancolie d’une exposition pas finie, pas commencée, des maquettes, des textes tronqués, des vidéos dispersées. Et l’émotion était là en dépit de tout. Ici, c’est le projet d’un film qui nous est… projeté. Des notes, une sorte de lent diaporama de pensées, d’images, de pistes ouvertes qui n’ont pas mené à un film, ou alors qui ont mené à ce film-là. Pour un auteur sans qualité, quelques éclats ne compteraient pas, mais le génie de Godard rend bouleversants jusqu’à ses graffitis. Pour monter ce matériau, Godard avait fait confiance à Nicole Brenez, Fabrice Aragno et Jean-Paul Battaggia. Tous trois l’ont consulté encore chez lui le 12, la veille de son suicide. Ce dernier film, le comprenne qui pourra, le comprenne qui l’aima et l’aime encore après qu’il a pris la tangente.

René Marx

Film helvéto-français de Jean-Luc Godard (2023). 0h20.




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