Critique

Publié le 26 juillet, 2023 | par @avscci

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Fermer les yeux de Victor Erice

Il y a les cinéastes qui tournent un film tous les ans ou tous les deux ans. D’autres encore qui progressent à un rythme moins soutenu. Une poignée enfin qui considère le septième art comme le suprême d’entre tous et cultive sa rareté. Le réalisateur espagnol Victor Erice appartient à cette élite comme Manoel de Oliveira à ses débuts (trois longs métrages entre 1942 et… 1972), Jean-Paul Rappeneau (huit films entre 1966 et 2015) sinon Stanley Kubrick (treize réalisations de 1953 à 1999). À tout juste 83 ans, Erice signe avec Fermer les yeux son quatrième long métrage depuis L’esprit de la ruche, il y a pile un demi-siècle. Aussi paradoxal puisse paraître son titre, il reflète sa passion absolue pour le cinéma à travers le destin d’un acteur porté disparu pendant le tournage d’un film devenu son tombeau. Jusqu’au moment où la télévision décide d’enquêter sur cette mort sans cadavre, en conviant pour cela le réalisateur qui était son meilleur ami. Davantage obsédé par le poids de la mémoire que par la mécanique policière classique, Erice use en fait de ce prétexte pour étendre sa réflexion à un thème qui le hante depuis toujours : la puissance des images. Il y décrit le cinéma comme une lanterne magique capable de suppléer à certaines failles sensorielles grâce à son pouvoir irrationnel. Fermer les yeux se présente comme la célébration ultime d’un art doté de pouvoirs extraordinaires. Un voyage sensoriel envoûtant qui évoque Cinéma Paradiso (1988) par sa pureté. Une œuvre testamentaire dont le souvenir entêtant possède le pouvoir de suggestion de certains textes d’Henry James.

Jean-Philippe GUERAND

Cerrar los ojos Film hispano-argentin de Victor Erice (2023), avec Manolo Solo, José Coronado, Ana Torrent, María León 2h49. Sortie le 16 août.




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