Critique

Publié le 2 décembre, 2022 | par @avscci

0

Days de Tsai Ming-Liang

Tsai Ming-Liang a atteint une telle épure dans son cinéma qu’il semble nécessaire de prévenir le spectateur de l’expérience éminemment particulière, pour ne pas dire unique, qui l’attend. A condition d’accepter de se laisser porter par les images et les bribes de narration qu’elle nous offre, il s’agit d’une expérience fascinante et même intense qui commence comme une lente plongée vers l’ennui (une succession de plans fixes sur le quotidien parallèle et banal de deux hommes à Bangkok) et s’achève dans un flot d’émotions tout aussi peu spectaculaire, mais absolument bouleversant. Entre les deux, si peu, et tellement à la fois. Deux solitudes que le réalisateur prend le temps d’accompagner patiemment. Le premier homme nettoie longuement des légumes, cuisine. Le second regarde la pluie tomber, prend un bain, subit un long traitement douloureux. Il se passe si peu qu’une séquence dans la rue, au milieu d’une foule étourdissante, fait l’effet d’un climax : d’un côté la douleur du personnage principal, de l’autre l’indifférence pressée des passants.

Tous ces gestes infimes, ces moments ordinaires, cette lente sensation du temps qui s’écoule conduisent à la séquence centrale du film, celle de la rencontre. Et sans doute fallait-il cet édifice patiemment assemblé de scènes en apparence désœuvrées pour que ce moment, aussi ténu soit-il, atteigne une telle puissance. Au-delà de ce qu’esquisse le récit, il s’y profile un moment de cinéma pur, entièrement tourné vers l’idée de “filmer des corps, des sensations” – l’ultime ambition du cinéaste qu’une vie de films tel que celui-là ne suffirait probablement pas à épuiser.

Marie-Pauline Mollaret

A noter que le Centre Pompidou de Paris consacre jusqu’au 2 janvier 2023 une exposition et une rétrospective à l’œuvre de Tsai Ming-Liang.

Film taïwanais de Tsai Ming-Liang (2020) avec Lee Kang-Sheng et Anong Houngheuangsy, 2h06.




Back to Top ↑