Xy Chelsea de Tim Travers Hawkins

Se souvient-on de Chelsea Manning ? Ce soldat avait choqué l’Amérique en réussissant un impressionnant cumul : être à la fois l’une des figures importantes des Wikileaks, ainsi que l’un des premiers soldats transgenres. Depuis retirée de l’armée, emprisonnée, libérée, candidate au Sénat, Manning demeure l’une des personnalités les plus controversées du pays. Sa peine de prison fut abrégée par Obama, avant d’être à nouveau confirmée par Trump. Mélangeant le personnel et le politique, ses appels à l’opération de changement de sexe se firent de sa prison. C’est ce cocktail explosif que montre ce documentaire, conçu pour la chaîne américaine Showtime. Là ou Citizen Four, sur Snowden, ou les reportages sur Assange, se concentrent sur un combat politique au lignes claires (mais discutées), XY Chelsea dessine l’image d’un être complexe, torturé, d’une personnalité hors normes, ne rentrant dans aucun des cadres disponibles. D’où cette impression de portrait chinois un peu baroque, pour un documentaire qui multiplie les angles et les styles. Le combat de Manning étant à la fois très public et profondément intime, le cinéaste brouille les pistes, les images s’emballent, et le mystère reste central : qui est-elle vraiment, comment ses choix se sont-ils fait ? XY Chelsea refuse de répondre, et l’ellipse que le film dessine en son centre est peut-être un plus bel hommage qu’un biopic hagiographique et réducteur.

Pierre-Simon Gutman

Film documentaire américain de Tim Travers Hawkins (2019), avec Chelsea Manning. 1h32.