Critique Silvio et les autres de Paolo Sorrentino

Publié le 3 novembre, 2018 | par @avscci

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Silvio et les autres de Paolo Sorrentino

Considéré comme étant à lui seul la relève d’un cinéma italien moribond à la sortie d’Il Divo, Paolo Sorrentino ne cesse depuis lors de décevoir ses plus fidèles supporters, jugeant que son ambition esthétique s’est muée en tics et que son propos s’avère souvent ampoulé. Des reproches qui ne sont pas absurdes, d’autant que notre homme semble en permanence tendre des verges pour se faire battre. Car ses films sont trop. Trop longs, trop touffus, trop m’as-tu-vu. S’attaquant au roi de l’esbroufe, Silvio Berlusconi, l’homme politique dont le monde avait honte (mais pas les Italiens, en tous cas pas tous), Sorrentino n’allait pas faire taire les clameurs. Parce que le film est évidemment à l’image de son modèle, clinquant, cynique, matamore. Une autre façon de dire qu’il brille et marche (ou du moins il essaye) sur les pas du maestro Fellini… Il serait sans doute facile de faire remarquer que la condamnation de Berlusconi n’est pas très nette et qu’il faut revoir le formidable Caïman, de Nanni Moretti pour se persuader qu’il était possible de lui rentrer dans le lard avec intelligence et efficacité. Mais ce n’était sans doute pas l’objet de Silvio et les autres. Parce que pour une fois le titre français n’est pas stupide, qui laisse entendre que Silvio n’existerait pas sans les autres, sans ceux qui rêvent d’une faveur, ceux qui sont prêts à tout pour être invités à l’une de ces soirées mirifiques où pullulent les jolies filles. Berlusconi, en Caligula des temps modernes, cesse dès lors d’être le dispensateur de tous les désordres, mais plutôt le symptôme d’un monde en pleine décadence, d’un monde qui se meurt. Le film est manifestement ambitieux, mais il a aussi le défaut de ne ménager aucune porte de sortie, sa misanthropie est constitutive. Entre le bling-bling de la forme et le cynisme du fond, il colle parfaitement à celui dont il dresse le portrait. Et si finalement, chacun dans son domaine respectif, Berlusconi et Sorrentino avaient beaucoup en commun ?

Yves Alion

Loro. Film italien de Paolo SORRENTINO (2018), avec Toni SERVILLO, Elena Sofia RICCI, Riccardo SCARMACIO. 2h38.

Critique en partenariat avec l’ESRA.




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