Scandale de Jay Roach

On ne vantera jamais assez la capacité de réactivité du cinéma américain qui a longtemps constitué sa supériorité indéniable sur des producteurs français plus timorés lorsqu’il s’agissait de rendre compte d’une certaine réalité. Une critique aujourd’hui caduque comme l’a démontré récemment Grâce à Dieu de François Ozon. Scandale est probablement le premier film de l’ère #Metoo. Jusqu’ici connu surtout pour avoir mis en scène les aventures loufoques d’Austin Powers et la comédie Mon beau-père et moi (2000), dans la foulée du tournant amorcé avec son biopic Dalton Trumbo (2015), Jay Roach met cette fois sa virtuosité au service d’un sujet ô combien délicat en filigrane duquel affleure une critique frontale de Donald Trump. Scandale évoque en effet le harcèlement sexuel institutionnalisé au sein de la chaîne Fox News sous la houlette de son fondateur, le pervers pépère Roger Ailes, formidablement interprété par John Lithgow. Des pratiques dénoncées en 2016 par deux de ses victimes, l’animatrice Gretchen Carlson et la correspondante Megyn Kelly campées respectivement par Nicole Kidman et Charlize Theron qui n’ont pas hésité à se défigurer pour ressembler à leurs personnages, dont les visages sont nettement plus familiers des Américains que des Français. Avec en prime le rôle de la jeune arriviste incarnée par Margot Robbie qui va devoir se soumettre à une humiliation insoutenable pour accéder à l’antenne, ce qui donne lieu dans le film à une scène d’anthologie. Scandale est un électrochoc aussi salubre que le fut il y a quatre ans, sur un autre registre, Spotlight de Tom McCarthy.

Jean-Philippe Guerand

Bombshell Film américain de Jay Roach (2019), avec Charlize Theron, Nicole Kidman, Margot Robbie 1h49.