Critique L'orphelinat de Shahrbanoo Sadat

Publié le 30 décembre, 2019 | par @avscci

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L’Orphelinat de Shahrbanoo Sadat

Dans un pays où le cinéma national est très fragile et ne s’exporte presque jamais, une réalisatrice de vingt-neuf ans construit une œuvre ambitieuse. Présente à Cannes pour Sheep and Wolf en 2015, puis pour cet Orphelinat en 2019, après une série de courts métrages réalisés très jeune, elle poursuit l’adaptation des mémoires inédits de son cousin Anwar Hashimi dans ce deuxième long, qui se situe avant la prise de Kaboul en 1996 par les Talibans. Donc avant la tragédie décrite dans Les Hirondelles de Kaboul, film présenté cette année à Un certain regard. Un orphelin débrouillard se rêve héros de Bollywood, vend à la sauvette des billets de cinéma. L’univers du cinéma, que les impitoyables fous de Dieu chercheront à détruire intégralement, lui permet d’embellir la réalité, de l’héroïser, sans l’ignorer. Placé dans un orphelinat comme un chien perdu dans une fourrière, le petit Qodrat continue à rêver, sans pourtant s’aveugler. A la fin du film surgit l’armée des barbares et Shahrbanoo Sadat règle leur compte aux vainqueurs réels avec un retournement acrobatique. Tout le film, tourné en fait au Tadjikistan dans des conditions difficiles, vaut pour son inventivité, son onirisme jamais naïf, son sens du comique et du sérieux toujours équilibré. La réalisatrice, déjà très sûre de son instrument, multiplie les idées de cinéma, toujours originale, prenant le cinéma lui-même comme sujet, prétexte, mode d’interprétation. Ce qui fait le prix de son réalisme rêveur plus proche de Mohsen Makhmalbaf ou Mani Haghighi que de Panahi ou Farhadi, si l’on cherche des comparaisons chez les voisins/cousins/rivaux iraniens.

René Marx

Parwareshgah. Film afghan de Shahrbanoo Sadat (2019), avec Qodratollah Qadiri, Sediqa Rasuli, Anwar Hashimi. 1h30




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