Critique Les étendues imaginaires de Yeo Siew Hua

Publié le 8 mars, 2019 | par @avscci

0

Les Etendues imaginaires de Yeo Siew Hua

Non seulement Singapour est un pays neuf (l’état singapourien n’existe que depuis 1965) mais c’est même un symbole de la nouveauté absolue, d’un « aujourd’hui » souvent grandiose et parfois sinistre. Petit pays (sept fois la superficie de Paris), c’est aussi l’un des plus riches du monde. Trop exigu pour ses 6 millions d’habitants, il ne cesse de gagner sur la mer, avec des prodiges de technologie pour étendre sa surface habitable. Cela marche logiquement avec des travailleurs immigrés nombreux et, comme partout, invisibles. YEO Siew Hua raconte l’enquête d’un policier mélancolique sur la mort d’un de ces ouvriers du bâtiment, dont le destin anonyme va se confondre peu à peu avec le sien. Il reprend ses itinéraires fragiles et solitaires, hante le café internet un peu sordide qu’il fréquentait, croise des personnages en marge qu’il a peut-être croisés. Dans ce monde ultra-technologique et à la férocité quasi féodale, l’intrigue devient hypnotique. Ou plus exactement insomniaque. Le flic va jusqu’à consommer les somnifères qu’il a piqués en douce dans les affaires du mort, abandonnées dans le foyer sordide où il logeait. Cette poésie hallucinatoire, nocturne, qui utilise les règles du film d’enquête, n’empêche jamais le réalisme social, la charge politique et culturelle contre un système vicié. Un système qui ne concerne pas seulement la petite île prospère et hyperactive où est né le réalisateur. Loin de là. Précieuse association de la poésie et de la critique du présent.

René Marx

A land imaginated. Film singapourien de Yeo Siew Hua (2018), avec Peter Yu, Liu Xiaoyi, Luna Kwak, Jack Tan. 1h35.




Back to Top ↑