Publié le 6 décembre, 2018 | par @avscci
0Les Confins du monde de Guillaume Nicloux
La guerre d’Indochine demeure l’une des moins évoquées par le cinéma français, toujours timoré lorsqu’il s’agit d’évoquer la chute de notre empire colonial et ses dégâts humains collatéraux. Les Confins du monde aborde ce conflit par la bande, à travers le traumatisme qu’il provoque chez un soldat aveuglé par son devoir au point de se transformer en un mélange de bête sauvage et de machine à tuer. Le premier plan donne le ton de ce film funèbre. La maigreur effrayante du militaire campé par Gaspard Ulliel y contraste avec l’intensité de son regard. Unique survivant d’un massacre dans lequel a péri son propre frère en 1945, Robert Tassen entreprend de traquer ses responsables, quitte à s’enfermer dans une spirale de vengeance aveugle. Simultanément sa rencontre avec une jeune Indochinoise va donner une âme à sa quête existentielle. Le cinéma de Guillaume Nicloux n’a jamais été aussi radical que dans ce film de guerre où une croisade individuelle se substitue peu à peu à un combat collectif de plus en plus inhumain. Pas question pour le cinéaste d’exalter la bravoure du combattant ou les vertus du colonialisme. C’est l’enfer qu’il filme, en prenant soin d’allumer deux lueurs d’espoir, à travers les personnages campés par Lang Khê Tran et Gérard Depardieu, qui incarnent respectivement l’amour et la raison. Par sa détermination sans failles et son désespoir impitoyable, Les Confins du monde est un film magistral qui vous hante longtemps après sa vision. Comme un cauchemar éveillé.
Jean-Philippe Guerand
Film français de Guillaume Nicloux (2018), avec Gaspard Ulliel, Gérard Depardieu, Lang Khê Tran. 1h43.
Critique en partenariat avec l’ESRA.