Critique La Douleur d'Emmanuel Finkiel

Publié le 23 janvier, 2018 | par @avscci

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La Douleur d’Emmanuel Finkiel

Pour adapter La Douleur, livre de Marguerite Duras qui raconte les jours ayant suivi l’arrestation de son époux Robert Antelme pour faits de résistance, à la fin de la Seconde guerre mondiale, Emmanuel Finkiel s’est reposé sur une voix off introspective et précise, le visage transfiguré de la comédienne Mélanie Thierry et une faible profondeur de champ qui nimbe l’héroïne d’un arrière-plan perpétuellement flou. Trois ingrédients primordiaux qui, combinés, élèvent le film à un état de grâce tel que l’on a le sentiment d’entendre réellement la voix de Duras, peut-être pour la première fois avec une telle intensité.

On ressent avec elle l’angoisse dans ce qu’elle a de plus aigu, l’attente dans ce qu’elle a de plus violent. Mélanie Thierry n’est plus qu’un masque de douleur déchirée entre ces deux sentiments dont elle devient une forme d’allégorie. Tout ce qui l’entoure, tout ce qui est de l’ordre de la narration, semble irréel et fantomatique par contraste avec cette souffrance qui s’est incarnée en elle. On se laisse alors transporter par les mots de Duras, seuls repères dans la tourmente pour l’héroïne (qui les écrit pour ne pas devenir folle) comme pour le spectateur, qui est suspendu à cette pensée claire et puissante en train de s’énoncer, réflexion intériorisée et intime sur la tragédie de la guerre et l’injustice d’un après-guerre qui n’efface rien. On ne voit plus une femme, Duras, qui attend un homme, mais l’Humanité tout entière qui attend (en vain) ses disparus et ses sacrifiés.

Marie-Pauline Mollaret

Film français d’Emmanuel Finkiel (2017), avec Mélanie Thierry, Benoît Magimel, Benjamin Biolay, Emmanuel Burdeau. 2h06.

Critique en partenariat avec l’ESRA.




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